Où étais-je? Je regardais autour de moi mais je ne comprenais point. Que s’était-il passé? Je me souviens que je pensais à mon défaut sanguin lorsque… Plus rien. J’étais dans une chambre qui n’était pas la mienne. Une chambre beaucoup plus froide à mes yeux, un endroit que j’ai toujours méprisé depuis ma plus tendre enfance. Mon regard se porte sur la fenêtre d’où je peux apercevoir la ville de Los Angeles de jour, en fin d’après-midi, je dirais. Puis je fouille la chambre des yeux, la fenêtre de la porte m’indique que ma mère est à l’extérieur avec Matthew. Pourquoi étais-je là? J’avais besoin d’explications et personne ne semblait apte à m’en donner… Mes yeux gris-bleus se posaient sur Matthew qui venait tout juste d’entrer en constatant que j’étais éveillée. Mon visage disait tout, j’étais intriguée et j’attendais des explications quoi que j’en aurais probablement aussi à donner mais passons.

J’avais lu un texte un jour qui parlait de la valeur du temps, la valeur d’une année pour un élève qui a redoublé, la valeur d’un mois pour une femme qui a accouché prématurément, d’une heure aux fiancés qui attendent de se revoir, d’une seule petite minute celui qui a raté son train, d’une seule seconde, celui qui a perdu un proche dans un accident et encore : la valeur d’un millième de seconde : celui qui a gagné une médaille d’argent aux Olympiques. J’étais restée songeuse et j’y pensais encore parfois, je me disais que le temps d’une soirée m’avait affectée. Bien entendu, j’avais gardé en tête les quelques secondes où j’avais vu ma meilleure amie accompagnée de mon frère dans son lit sans leurs vêtements, cette image était désormais gravée dans ma mémoire. Léger traumatisme, vous avez dit? Je sais que mon frère a une vie sexuelle bien active mais… Je ne voulais pas nécessairement en avoir la preuve!

Je pensais à ce qui venait de m’arriver… Bon. J’étais dans les toilettes, je venais de faire certains trucs utiles dans un cabinet et j’en étais sortie. Je me suis lavée les mains et pour la suite : un gros trou noir. J’espérais qu’on n’avise pas mes proches, je ne voulais pas les inquiéter. À cause de ce foutu problème, j’avais eu droit à toutes sortes de répliques plus colorées les unes que les autres. J’étais exemptée bien souvent des efforts sportifs malgré le fait que je sois dans la brigade des meneuses de claques, parfois je n’étais que remplaçante d’autres fois bien active. J’avais une grosse migraine et Matthew qui entrait et qui venait me faire part de mon irresponsabilité avec un ton pour le moins sévère. Je m’en voudrais. Il me disait que c’était dangereux que je ne prenne pas soin de moi. Il me reprochait tout ce que je faisais, peu importe ce que c’était. Je détournais le regard, au moins j’espérais une quelconque salutation et je n’avais même pas droit à un bonjour, est-ce que ça va. « Merde Britt’ » … Qu’il est compatissant le frère aîné! Pfff! Puis il s’approcha comme s’il avait lu dans mes pensées pour prendre ma main toute frêle et encore blanchâtre. Il me répétait que j’avais eu de la chance et que j’aurais pu avoir des problèmes cardiaques, je fronçais les sourcils, je savais déjà tout ça. J’en savais même plus que lui! Je vivais avec cette maudite maladie depuis que je suis bébé, je dois finir par la connaître un peu plus que toi.

- Je peux pas faire une fuckin’ connerie sans que ça ait un impact majeur sur ma vie.

Ma voix était rauque et fatiguée, je toussais légèrement tout en regardant autour de moi, j’étais branchée à une perfusion qui semblait me faire manger et une autre qui me donnait du sang. Je soupirais et j’étais contente d’être AB positif, le receveur universel. Je regardais mon frère puis je caressais sa main avec mon pouce…

- T’inquiète pas pour moi. T’as rien dit à Kristen, Jasper et Kayla, j’espère?

Je savais que mon amie l’astrologue allait mentionner que mon horoscope prédisait un accident et allait s’inquiéter plus qu’autre chose, je ne voulais pas l’inquiéter. Mais la connaissant, elle devait déjà le savoir, notre connexion télépathique ne fait quasiment jamais défaut (à l’exception du lendemain du Rave Party mais n’en parlons pas. ) Secrètement, j’osais espérer qu’il en avait parler à Jasper … Du moins c’était une partie de moi qui espérait ça, la partie optimiste et pleine d’espoir, l’autre m’engueulait et me disait que j’étais une idiote, j’étais dans cette condition à cause de lui et c’était mieux qu’il ne vienne pas… Je voulais mourir. Et Kayla, je m’en moquais un peu pour tout vous dire… Je regardais mon frère puis pleine d’espoir je lui demandais…

- Je peux sortir de l’hôpital quand?

« Parce que j’ai une pratique avec les cheerleaders ce soir, demain matin une rencontre pour Amnesty, mon article pour le journal à terminer et une émission de radio à préparer pour demain! » mais je savais que mes petites histoires n’allait pas l’intéresser… Je savais aussi qu’il allait me questionner sur le fait du Rave, de Jasper. S’il ne le faisait pas, il allait me surprendre…

J’étais dans cet hôpital pour au moins deux jours selon les dires du docteur… Si au moins ça avait été le docteur House qui avait été là, je crois que j’aurais adoré rester ici ou si ça avait été le Docteur Chase, j’aurais trouvé le moyen de me rincer l’œil mais là, c’était le docteur Williamson… Légèrement plus âgé, probablement dans la quarantaine avancée… Mais bon. On va s’en contenter, il me fait passer des tests sanguin. Heureusement pour moi, je suis AB+, le receveur universel. Maman est A+ et papa B- donc pour moi, le sang ce n’est pas un problème. Ils se seraient contenté de A+ mais là, c’était encore mieux. Je savais que Matthew était A+ et qu’il était compatible avec moi, ce qui me réjouissait. Je savais qu’il aurait été prêt à se vider de son sang pour moi et j’en étais très heureuse mais je préférais tout de même qu’il le garde. Parlant de groupe sanguin, mon projet de devenir cardiologue est toujours en cours de réalisation…

- Dis Matt… tu pourras m’amener mes livres de médecine?

C’était une demande assez particulière mais je savais que je resterais quelques jours… Malgré tous les tests qui s’imposeraient, je voulais avoir le temps de poursuivre mon étude. Pas question d’échouer mes cours! Matthew parlait désormais de Kristen… Je savais que je devrais la prévenir mais je ne veux pas l’inquiéter, elle a assez de s’inquiéter pour sa mère et pour Matthew. Quand même que je disparaîtrais deux ou trois jours, ce n’était pas la fin du monde. Je regardais Matthew qui bondissait du lit pour faire les cents pas. Je soupirais.

- Matthew, c’est pas la première fois que je me retrouve dans un hôpital à cause de mon anémie… Arrête de t’en faire ainsi! Je vais finir par croire que maman ne doit plus m’appeler si je fais une crise. Et si c’était à cause de Jasper, je te dirais de le frapper encore plus fort… Mais Matt’ relaxe : C’est pas à cause de lui. Lui flanque pas une autre droite, je suis persuadée qu’il a compris le sens de la première. Ok? Et c’est juste une accumulation des derniers jours, la fatigue, mes règles, je n’avais pas le temps de manger… Cesse de t’en faire pour moi ainsi! Tu vas mourir tout jeune d’une crise d’angoisse!

Je lui fis un sourire des plus rassurants. Je m’y connaissais bien en anémie au nombre de fois où je m’y retrouvais. Chaque fois, un médecin arrivait pour m’expliquer ce qu’était l’anémie comme si c’était ma première crise. Dès qu’ils commençaient leur beau discours, je les coupais assez rapidement pour tout m’éviter en leur disant : « Premièrement, ce n’est pas ma première crise. Deuxièmement, j’étudie en médecine et je prévois devenir cardiologue… Si vous pourriez m’exempter des explications, je vous serais très reconnaissante. » Certains médecins trouvaient ça plutôt drôle et d’autres assez insultant… Mais bon, ça dépend de tous et chacun.

J’avais souvent remarqué que Matthew tentait de séduire des infirmières, cela me décourageait au plus haut point! Moi à qui il lance un speech de la mort et il se tape les infirmières dès qu’il en a terminé avec moi et que j’ai le dos tourné. Bien entendu, je ne vais pas mentir et dire : « Moi je me suis jamais tapé d’infirmière pendant que j’étais à l’hôpital » … WOW! MINUTE! N’allez pas déduire de mauvaises choses, je m’étais tapé un gentil stagiaire infirmier qui voulait que mon bien-être. Mais c’est vrai que rester trois jours dans un hôpital, toute seule : c’est plus qu’ennuyeux! Matthew ne l’avait pas su et je crois que c’est mieux ainsi. Parlant de Matthew, s’il refusait de me ramener tous les livres de médecine que je réclamais, je crois que je l’étriperais. J’avais besoin d’étudier, rares étaient les moments où j’étais sans livres. Même lorsque j’allais faire du shopping avec Kristen, j’avais toujours un livre de poche dans mon sac à main pour pouvoir profiter parfois d’une occasion pour lire. Je souriais et je le remerciais de le faire. Peu de temps après, il se remettait à me gronder dessus…

- Matt… Si j’étais en état de te frapper : je le ferais. Je ne suis pas irresponsable! Ça serait arrivé sous peu de toute façon… Tu peux demander au médecin. De toute façon, je sentais ça venir. Et traite moi encore une fois d’irresponsable et je me lève et tu vas avoir l’honneur d’entendre plein de petits boutons se mettre à sonner et tu vas avoir l’honneur d’avoir la claque phénoménale du siècle, tu m’entends Matthew…

Je lui en voulais désormais. Je boudais légèrement puis je détournais le regard vers la fenêtre. Matthew allait devoir se faire à l’idée que je n’étais plus une gamine et que j’étais capable de me débrouiller toute seule. Je savais qu’il ne serait pas toujours là pour me remonter mais pour l’instant je devais m’y faire. Je me retournais vers lui en baissant le regard…

- Et merci d’avoir frappé Jasper au rave…

Un drôle de remerciement mais avec tout ce qui s’était passé par la suite : ses regards noirs, il m’ignorait parfaitement. Bref, ça me frustrait. Bien que sur le coup, ça m’avait insulté (et lui aussi probablement), j’étais heureuse qu’il l’ait fait. Il l’avait mérité, bon. Je retirais la légère couverture que j’avais, la température commençait à se réchauffer puis je soufflais.